Comment accompagner L’enfant confronté à la mort d’un parent ? partie 1/3

Comment accompagner L’enfant confronté à la mort d’un parent ? partie 1/3

Ce texte est extrait de l’excellent article de Isabelle Gravillon publié page 20 du magazine « L’école des Parents » N° 616 de septembre octobre 2015 dont le dossier traitait de l’Enfant Orphelin.

L’enfant face à la mort de son Parent

Comment l’accompagner ?

Pour un enfant, vivre une perte aussi irréparable que celle d’un père ou d’une mère n’est pas dans l’ordre des choses. La manière dont son entourage l’associe à ce drame intime, dans les heures, les jours, les mois qui suivent, influe sur sa capacité à poursuivre sans trop de dommages le cours de son existence ?

 » on ne me l’a pas annoncé, j’ai suivi le mouvement et je n’ai pas posé de questions », « on ne m’a rien dit, j’ai compris toute seule au bout d’un an. » Ces témoignages d’orphelins ayant perdu l’un de leurs parents dans l’enfance, issus d’une enquête nationale qui leur a été consacrée en 2011(1), ont de quoi étonner. A l’heure où l’on proclame que l’enfant est une personne, qu’il a le droit d’être associé aux événements le concernant, comment ne pas être dérouté par une telle absence de mots dans des circonstances aussi graves que la perte d’un père ou d’une mère ?

Certes le temps des mensonges semble révolu et l’on raconte rarement aujourd’hui à un enfant endeuillé que son papa est en voyage, ou que sa maman est allée voir une amie. Mais le silence est apparemment encore courant. « Concernant un tout petit, de la naissance jusqu’à la fin de la maternelle, l’entourage a souvent beaucoup de mal à poser des mots sur la mort d’un parent » confirme Patrick Ben Soussan, pédopsychiatre, responsable du département de psychologie clinique au Centre régional de lutte contre le cancer à Marseille(2).

Le poids du silence

Dans certains cas, ce silence est motivé par une méconnaissance des compétences de l’enfant. Il est trop petit, il ne comprendra pas. Conclusion erronée.  » Même si la maturation du petit homme nécessite des années, cela ne veut pas dire que les bébés et les jeunes enfants ne sont pas touchés par la mort », explique Hélène Romano, docteure en psychopathologie, spécialiste des traumatismes chez l’enfant(3). « La pris en charge des tout-petits endeuillés nous permet de constater combien ils éprouvent l rupture du lien à leur parent décédé, et ce d’autant que plus rien ne leur est dit, poursuit-elle. Leur détresse est majorée par le fait qu’ils ne peuvent pas solliciter d’explications. » Un bébé est parfaitement capable de ressentir les tensions émotionnelles qui règnent autour de lui suite à un décès, il perçoit que les soins qu’il reçoit ne sont plus les mêmes, puisqu’ils sont dispensés par une autre personne que le parent décédé.

Ce non-dit s’explique aussi souvent par un désir de protection. « Il semblerait que, pour un enfant, il soit décréter d’office qu’aucune mauvaise nouvelle ne doit venir obscurcir sa vie, de peur que son développement n’en soit troublé, qu’il n’en garde pour toujours des séquelles douloureuses. Et bien, non ! Se taire fait beaucoup plus de mal que de bien, s’insurge Patrick Ben Soussan. Le silence est tapageur, il permet à l’imaginaire, et parfois aux fantaisies les plus folles, de prendre toute la place. » Comme cette petite fille de cinq ans à qui personne n’avait trouvé le courage de dirte que son père était mort et qui s’était imaginée qu’il l’avait abandonnée pour fonder une autre famille, ailleurs, avec un enfant plus aimable qu’elle. A l’age de trente ans, alors qu’elle venait de devenir maman et avait sombré dans une grave dépression, elle a enfin pu déposer ce lourd bagage dans le cabinet d’un psychologue. « Ne pas nommer le mort, c’est faire courir à l’enfant le risque d’un deuil pathologique, avec parfois des conduites à risque à la clé » alerte Hélène Romano

Isabelle Gravillon

(1) Enquête menée par la Favec (Fédération des Associations de Conjoints Survivants), l’UNAF (Union Nationale des Associations Familiales) et la Fondation d’Entreprise Ocirp.

(2) Auteur avec Isabelle Gravillon de L’enfant face à la mort d’un proche. En parler, l’écouter, le soutenir (Ed. Albin Michel 2006)

(3) Auteure de Dis, c’est comment quand on est mort ? Accompagner l’enfant sur le chemin du chagrin. avec Thierry Baubet (Ed. La pensée sauvage, 2009) et de L’enfant face au traumatisme (Ed. Dunod, 2013)