Comment accompagner l’enfant confronté à la mort d’un parent ? partie 3/3

Comment accompagner l’enfant confronté à la mort d’un parent ? partie 3/3

«Ce texte est la suite et le fin de l’excellent article de Isabelle Gravillon « L’enfant face à la mort de son Parent » publié page 20 du magazine « L’école des Parents » N° 616 de septembre-octobre 2015 dont le dossier traitait de l’Enfant Orphelin.

L’enfant face à la perte

Des réactions déstabilisantes

La plupart des enfants et des adolescents réagissent à la nouvelle de la mort de leur parent d’une façon qui surprend l’entourage. Sur le moment, il ne pleure pas forcément, ne paraissent pas toujours accablés ni même tristes. Certains même continuent à dessiner ou à jouer à leur jeu vidéo, comme si de rien n’était. Ils n’ont pas les réactions socialement « correctes » et « conformes » que l’on attend d’un individu confronté au deuil d’une personne très proche. «Ces attitudes ne signifient pas que l’enfant ou l’adolescent n’est pas touché, note Murielle Jacquet-Smailovic. Il tente simplement de mettre en place un mécanisme de défense lui permettant de ne pas être débordé par la violence de ses émotions. Cette stratégie d’adaptation, qui se passe au niveau inconscient, lui donne un peu de répit pour encaisser le choc et pouvoir accepter l’horreur de la nouvelle.»

Le contrecoup survient plus tard, à plus ou moins longue échéance selon les enfants et leur âge. « Les vannes s’ouvrent, souvent au moment des funérailles, et la dou­leur s’exprime alors. Surtout si les adultes autour s’au­torisent eux-mêmes à exposer leur peine », décrit la psychologue. Mais, pour le tout-petit, le délai est souvent plus long. « Si un enfant de 10 ans comprend tout de suite que son parent ne reviendra pas, celui de 2 ans doit expérimenter son absence au quotidien quelque temps avant d’intégrer véritablement cette réalité. Quant au bébé, l’effondrement peut arriver bien plus tard, à 3 ou 4 ans, quand il réalise qu’il n’aura jamais de maman ou de papa », explique Hélène Romano.

Tous les enfants en deuil sont animés par les mêmes sentiments : la culpabilité, la colère et l’anxiété. «Persuadé de la toute-puissance de ses pensées, un enfant a souvent tendance à s’autoproclamer coupable de la mort de son parent, seulement parce  qu’il a souhaité par fois le voir disparaitre. À cause d’une punition ou parce qu’il l’em­pêchait de réaliser ses pulsions œdipiennes, analyse Murielle Jacquet-Smailovic. Très fréquemment, aussi, cette colère se retourne contre les autres : le médecin, le parent survivant, qui n’ont pas été capables de sauver son papa ou sa maman. Ou même le frère ou la sœur, qui était trop « pénible » avec le parent décédé. Se jouent alors des rivalités fraternelles. Enfin, l’anxiété est toujours très présente, ce qui n’est pas étonnant dans la mesure où l’enfant a perdu un repère de sécurité essentiel. Certains petits endeuillés s’accrochent désespérément au parent qui reste, ne peuvent plus le quitter de peur que lui aussi disparaisse. »

Ces  émotions  bouillonnantes  donnent  parfois  lieu à des déclarations intempestives, que le parent survivant peut trouver cruelles et injustes.  « C’est  toi qui aurais dû mourir, pas lui ! », « À cause de lui qui nous a abandonnés, on n’a plus d’argent et je ne peux plus faire d’équitation ! » Pour ne pas s’effondrer davantage, le parent doit s’efforcer de relativiser ces agressions, les comprendre comme l’expression d’un désarroi. Si l’en­fant ne dit rien, cela n’indique pas pour autant qu’il n’est pas traversé par ces courants violents. L’important est alors de répondre à ses inquiétudes, par anticipation. De lui dire qu’il n’est pas coupable de la mort de son parent, et qu’il y aura toujours un adulte pour s’occu­per  de lui, quoi qu’il  arrive.

De l’adieu aux funérailles

Dans le chaos qui suit le décès, une question se pose : faut-il emmener l’enfant auprès du corps de son parent décédé ? « la rencontre d’un enfant avec un cadavre constitue   un   interdit   souverain,   sans   doute   plus aujourd’hui qu’hier, dans notre société, qui a tendance à vouloir gommer la  mort.  On postule qu’il en restera traumatisé, et ne gardera de son père ou de sa mère que ce terrible souvenir »; affirme Patrick Ben Soussan. Pourtant, selon le pédopsychiatre, lorsqu’on demande à un jeune adulte d’évoquer son parent perdu dans l’en­fance, il ne fait jamais référence à son cadavre, s’il l’a vu, mais toujours aux moments heureux passés avec lui. Qui plus est, cette confrontation peut éviter le piège du déni. «Je n’arrivais pas  à croire que sa mort était réelle, il a vraiment fallu que je le vois mort pour y faire face », raconte un jeune orphelin en parlant de son père. (1)

Le plus judicieux est donc de poser la question à l’enfant et de lui laisser le choix : veux-tu voir une dernière fois ton père ou ta mère  ?  « Il faudra le préparer à cette rencontre, conseille Hélène Romano,  le prévenir notam­ment de l’apparence particulière qu’aura son parent. « Tu pourras le toucher si tu veux mais tu verras, sa peau sera froide. Tu auras peut-être un peu de mal à le reconnaitre car ses joues seront creuses, ses yeux enfoncés.  » Et, bien sûr,  un  adulte restera  à ses  côtés pour répondre à ses éventuelles questions. »

Quant aux funérailles, là encore, mieux vaut éviter d’ex­clure l’enfant, dans l’idée de le protéger de l’insoutenable, ou  parce  qu’aux  yeux  de certains,  sa présence serait déplacée. Sandrine se souviendra longtemps des regards d’incompréhension posés sur son petit garçon de 5 ans, galopant dans les travées de l’église, brandissant son pistolet en plastique et criant «Pan ! Pan ! t’es mort !» à tous ceux venus accompagner son père dans sa dernière demeure. Et alors? « En tenant un enfant éloigné des funérailles, on risque des dégâts collatéraux, remarque Patrick Ben Soussan. Il se sentira exclu d’un événement important qui a réuni tout le monde sauf lui, sans com­prendre ce qui lui vaut ce traitement de défaveur.  Rien de tel pour aggraver encore son désarroi. Et puis en agissant ainsi, on le prive de la force du groupe et du réconfort des rituels. »

L’enfant a aussi le droit de ne pas souhaiter assister aux funérailles. On peut alors lui proposer de s’y associer à distance et d’être présent symboliquement. Un poème qui sera lu en son nom pendant la cérémonie, un dessin ou tout autre objet qui sera déposé dans sa tombe. On lui évitera ainsi les regrets ultérieurs.

Et après, comment se comporter avec lui dans les jours, les semaines, les mois qui vont suivre ? Écrasé par sa propre souffrance, le parent survivant fera de son mieux, surtout ce qu’il peut, pour être présent auprès de son enfant. Mais s’il est une dimension qu’il doit privilégier, c’est la libre circulation  de la parole autour du  défunt. «Il lui faudra devenir celui à qui l’enfant peut parler », insiste Hélène Romano. Cela suppose qu’il autorise ses enfants à évoquer  le parent  disparu  ou à  s’approprier des objets lui ayant appartenu. Même si cela remue le couteau. dans la plaie.

lsabelle Gravillon

(1) Enquête sur les orphelins par la Favec, UNAF et le Fondation d’Ocirp, 2011.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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dû mourir, pas lui ! », « À cause de lui qui nous a abandonnés, on n’a plus  d’argent  et je  ne  peux  plus faire d’équitation ! » Pour ne pas s’effondrer davantage, le parent doit s’efforcer de relativiser ces agressions, les comprendre comme l’expression d’un désarroi. Si l’en­ fant ne dit rien, cela n’indique pas pour autant  qu’il n’est pas traversé par ces courants violents. L’important est alors de répondre à ses inquiétudes, par anticipation. De lui dire qu’il n’est pas coupable de la mort de son parent, et qu’il y aura toujours un adulte pour s’occu­ per  de lui, quoi qu’il  arrive.

 

De l’adieu aux funérailles

Dans le chaos qui suit le décès, rme question se pose : faut-il emmener l’enfant auprès du corps de son parent décédé ? « la rencontre d’un enfant avec un cadavre constitue   un   interdit   souverain,   sans   doute   plus

aujourd’hui qu’hier, dans notre société, qui a  tendance

éventuelles questions. »

Quant aux funérailles, là encore, mieux vaut éviter d’ex­ clure l’enfant, dans l’idée de le protéger de l’insoutenable, ou  parce  qu’aux  yeux  de certains,  sa présence serait

. déplacée. Sandrine se souviendra longtemps des regards d’incompréhension posés sur son petit garçon de 5 ans, galopant dans les travées de l’église, brandissant son pistolet en plastique et criant «Pan ! Pan ! t’es mort !» à tous ceux venus accompagner son père dans sa dernière demeure. Et alors? « En tenant un enfant éloigné des funérailles, on risque des dégâts collatéraux, remarque

Patrick Ben Saussan. n se sentira  exdu d’un événement

important qui a réuni tout lemonde sauf lui, sans com­ prendre ce qui lui vaut ce traitement de défàveur. Rien de tel pour aggraver encore son désarroi. Et puis en agissant ainsi, on le prive de la force du groupe et du réconfort des rituels. »

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L’enfant a aussi le droit de ne pas souhaiter assister aux

La mort po1.1r de faux et la mt.

.                         pour de vrai,

de Dana Castr<

.       (éd. Albin Mich 2000).

 

 

 

L’enfant confro, à la mort d’::i parent, dirigé p Patrick  Ben

‘             Soussan

Érès, 2013

 

 

 

l.,.a mort.

J’en parle avec mon enfant,-·· de Michel Hanu et Isabelle Hanus

(éd. Nathan,

2011).

 

î            à  vouloir gommer  la  mort.  On postule   qu’il en restera traumatisé, et ne gardera de son père ou de sa mère que ce terrible souvenir »; affirme Patrick Ben Saussan. Pourtant, selon le pédopsychiatre, lorsqu’on demande à un jeune adulte d’évoquer son parent perdu dans l’en­ fance, il ne fait jamais réference à son cadavre, s’il l’a vu, mais toujours aux moments heureux passés avec lui. Qui plus est, cette confrontation peut éviter le piège du déni.

«Je n’arrivais pas  à croire que sa mort était réelle, il a

vraiment  fallu  que je  le vois mort pour  y faire  face   »,

raconte un jeune orphelin en parlant de son père5 •

Le plus judicieux est donc de poser la question à l’enfant et de lui laisser le choix : veux-tu voir une dernière fois

ton père  ou  ta mère  ?  « n faudra  le préparer  à cette

funérailles. On peut alors lui proposer de s’y associer à distance et d’être présent symboliquement. Un poème qui sera lu en son nom pendant la cérémonie, un dessin ou tout autre objet qui sera déposé dans sa tombe. On lui évitera ainsi les regrets ultérieurs.

Et après, comment se comporter avec lui dans les jours, les semaines, les mois qui vont suivre ? Ecrasé par sa propre souffrance, le parent survivant fera de son mieux, surtout ce qu’il peut, pour être présent auprès de son enfant. Mais s’il est une dimension qu’il doit privilégier, c’est la libre circuJation  de la parole autour du  défunt.

«il lui fàudra devenir celui à qui l’enfant peut parler »,

insiste Hélène Romano. Cela suppose qu’il autorise ses enfants à évoquer  le parent  disparu  ou à  s’approprier

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  1. Enquête sur

Renaître orpbei

de Florence

  1. Valet
or

(éd. Chronique sociale, 201

 

 

 

Invisibles orphelins, dirigé p9r Magali Molinié (éd. Autrement, 2010).

 

rencontre,conseille Hélène Romano,  leprévenir notam­

ment del’apparence particulière  qu’aura son parent.  « Tu

 

des objets lui ayant appartenu. Même si cela remue le couteaù. dans la plaie.   lsabelleGravillon

 

les orl)helins par La Favec,

l’UNAF et la fondation